vendredi 11 février 2022

Les enfants de Néocité - Extrait

 







 

Agathe fit la moue. Elle aurait voulu éviter ce genre de situation équivoque, entachée de romantisme. Que faire ? Elle avait confiance en elle-même, mais Virgile ? Se satisferait-il d'une relation purement amicale, sans jeu sexuel virtuel ? S'il devait la convier à ce genre de distraction, elle ne pourrait jamais plus s'y résoudre.

— Tu ne vois que ce que la Néocité a fait de moi, rien de plus ! Et n'oublie pas que nous sommes destinés à demeurer ainsi, jusqu'à notre dernier souffle ! Aucune surprise, en définitive...

— Certes ! Mais nous n'allons tout de même pas nous plaindre de rester jeunes et alertes, indemnes des principales maladies ou désagréments de la vieillesse, tu n'es pas d'accord ? Il aura fallu tant de millénaires à l'humanité pour parvenir à ce résultat, que nous devrions lui en être reconnaissants, c'est la moindre des choses !

— Certains aspects sont positifs, je le reconnais. Mais notre société à la pointe du progrès nous a aussi maintenus dans l'ignorance de notre propre nature humaine. Et là, c'est juste inacceptable !

— Tu penses aux émotions ?

— Parfaitement ! Mais pas seulement...

Agathe détacha ses yeux du panorama nocturne de la Néocité, qui lui rappelait vaguement la voûte d'Héméra. Elle caressa son cœur en pierre de soleil et songea à son amour, qui devait l'attendre sous la vraie voûte céleste étoilée de sa forêt lointaine. Elle prit place sur le canapé, et observa son ami qui la rejoignait. Il s'assit en face d'elle et lui sourit, l'air embarrassé.

— Tu m'as posé une question qui m'a un peu bouleversé, l'autre jour. Pourtant, j'y ai réfléchi sérieusement.

— Et ?

— Tu voulais savoir si je suis heureux.

— Donc ? Es-tu heureux, Virgile ?

— Tout d'abord, cette question m'a fait mal, et j'ignorais pourquoi. En y songeant, j'ai réalisé que ce qui m'a fait le plus mal, ce n'était pas tant la question, que le fait que personnellement, je ne me la sois jamais posée ! Alors je me suis demandé comment on pouvait vivre plus de vingt-cinq années d'une vie humaine, sans jamais se poser cette question.

— As-tu trouvé la réponse ?

— J'ai alors compris que jusqu'alors, j'avais vécu dans une sorte de brouillard léthargique et lénifiant, qui me persuadait que ma vie était déjà tellement parfaite, que la question s'en trouvait d'elle-même éludée. Quelle erreur !

— Laisse-moi deviner : tu viens de réaliser que tu n'es pas heureux ?

Son ami lui lança un regard d'assentiment, puis il enchaîna :

— Comprendre que l'on n'est pas heureux, nous amène forcément à réfléchir sur la nature même du bonheur. Et là, je n'ai pas de réponse ! Je sais que je ne suis pas totalement heureux, mais j'ignore tout, de ce qui pourrait faire mon bonheur. Tu comprends ?

— Je comprends très bien, tu es sur la bonne voie. Il faut toujours commencer par se poser les bonnes questions ! Je suis persuadée que tu finiras par trouver tes réponses, comme j'ai trouvé les miennes.

— Astrée, vas-tu m'expliquer à présent pourquoi tu es revenue ?

 

Les enfants de Néocité - Edition BOD - pages 281 - 283

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire